Des exportations toujours scandaleuses

Cette année encore, la Suisse a tiré profit du commerce de guerre et l’industrie de l’armement annonçait déjà en septembre un chiffre d’affaires de plus de 500 millions. Parmi les pays de destination se trouvent des Etats qui n’ont aucunement honte des violations des droits humains qui sont commis sur leur sol. La situation n’est toutefois pas désespérée, car nous avons pu fêter un succès cette année. 

Le monde est sens dessus dessous. Cette phrase est particulièrement vraie en temps de pandémie. Beaucoup de personnes ont peur pour leur avenir et leur subsistance et chaque pays fait face aux mêmes défis. Mais au lieu de traverser cette période difficile ensemble, la lutte des classes et surtout les conflits armés s’accentuent. Et tandis qu’une grande partie de la population est angoissée, les expert.es tablent sur une année boursière réussie. Les statistiques d’ex­portations d’armes durant cette année de crise sanitaire sont elles aussi présentées avec fierté. Les munitions et les chars figurent en tête des listes d’exportation. Ajoutons que les quatre critères suivants doivent être respectés pour tout pays important des armes depuis la Suisse : 

•      Les armes doivent servir au maintien de la paix, de la sécurité internationale et de la stabilité régionale, 

• les droits humains doivent être respectés dans le pays de destination et l’on ne doit pays y trouver pas d’enfants-soldats,

• la Suisse déploie des efforts dans le domaine de la coopération au développement ; en particulier le pays de destination peut figurer parmi les pays les moins avancés sur la liste en vigueur des pays bénéficiaires de l’aide publique au développement établie par le Comité d’aide au développement de l’OCDE,

• le pays de destination doit respecter la communauté internationale, notamment sous l’angle du respect du droit international public.

De plus, la conduite adoptée par les pays qui, comme la Suisse, sont affiliés aux régimes internationaux de contrôle des exportations est prise en compte (source : SECO).

Malgré ces critères, 55 pays ont reçu des armes au cours des trois premières trimestres 2021, générant une recette d’environ 503 millions de francs. Ce montant n’est que légèrement plus bas que celui de l’année record 2020. Surtout durant une pandémie, cette situation est tout bonnement inacceptable. L’un des plus gros importateurs de matériel de guerre suisse est l’Arabie Saoudite (30 millions au total) et ce bien que les conventions des droits de l’homme y soient ouvertement bafoués. En effet, le royaume procède toujours à des décapitations et des châtiment corporels. La crédibilité de la Suisse s’effrite également au vu des exportations vers les Émirats Arabes Unis. Il devient ainsi de plus en plus probable que des armes suisses sont utilisées dans la guerre au Yémen.

Le troisième plus gros importateur sont les États-Unis. Ceux-ci s’immiscent depuis des années dans des guerres et ont fait un grand nombre de victimes, quel que soit le motif. La prétendue neutralité de la Suisse ressemble de plus en plus à u prétexte pour tirer profit des guerres et des conflits, ainsi que pour faire avancer la militarisation. 

En 2018, nous avions lancé l’initiative correctrice pour mettre fin à cette situation et pour garantir le respect d’au moins quelques normes éthiques. Le but était d’interdire définitivement les exportations vers les pays en guerre civile ou vers les États qui violent gravement et systématiquement les droits humains. Le Conseil fédéral a présenté un contre-projet indirect qui reprenait un grand nombre de revendications de l’initiative. Après que le contre-projet a été accepté par le Parlement, l’initiative a pu être retirée. Espérons que les nouvelles réglementations se feront sentir sur le marché et que de telles exportations seront enfin interdites.

Au niveau mondial, les exportations d’armes sont restées stables entre les périodes de 2016 à 2020 et de 2011 à 2015. C’est la première fois depuis la période de 2001 à 2005 que les chiffres n’ont pas augmenté. Les rapports de force ont toutefois changé. Tandis que les exportations venant de la Russie et la Chine ont fortement reculé, l’Allemagne, la France et les États-Unis se sont imposés dans ce domaine. Les pays de destination se trouvent surtout sur le continent asiatique. Les États-Unis ont livré le quart de leur matériel de guerre exporté à l’Arabie Saoudite. En France enfin, la vente d’armes à l’Inde, à l’Égypte et au Qatar représentent 59% du volume total d’exportations.