Le 1er janvier 2023, la Suisse devenait pour la première fois membre du Conseil de sécurité de l’ONU depuis son entrée aux Nations Unies 20 années auparavant.
Ayant annoncé vouloir mettre en avant certains sujets préoccupants de notre époque lors de ses deux prochaines années de mandat (tels que la construction de la paix, la protection de la population civile dans les conflits armés et la sécurité climatique), siéger au sein de l’organe le plus important des Nations Unies semble donc être une opportunité sans pareille pour la Suisse de mettre en avant sa longue tradition humanitaire au profit de la paix.
Cependant, la situation internationale actuelle et les récents développements en matière de politique extérieure suisse pourraient poser problème et mettre à mal ces ambitions. En effet, la Suisse devra faire avec un Conseil de sécurité plus divisé que jamais, bloqué par la Russie et son droit de veto dès que l’on touche à la question de la guerre en Ukraine. Ce blocage risque d’être particulièrement problématique pour la Suisse, pouvant aller jusqu’à ruiner ses espoirs de faire avancer le Conseil sur les questions humanitaires, ou du moins celles touchant à ce conflit. Sa volonté de renforcer l’efficacité du Conseil s’en trouve également mise à mal : c’est justement lorsque les questions brûlantes d’actualité internationale touchent aux intérêts d’un des membres permanents du Conseil que celui-ci devient complètement inefficace.
Plus inquiétant encore, les récentes révélations de la presse quant à la pression des pays de l’OTAN sur la décision suisse d’adhérer ou non au Traité sur l’Interdiction des Armes Nucléaires (TIAN) laissent songeur sur la capacité de la diplomatie suisse à agir en tant qu’acteur véritablement indépendant. Il est à craindre que la Suisse, dans sa volonté de se rapprocher de ces pays, se laisse à nouveau soumettre face à ces puissances nucléaires. Il est une chose de ne pas pouvoir efficacement mettre en œuvre une politique humanitaire internationale de par les enjeux politiques actuels et le fonctionnement problématique du Conseil, s’en est une tout autre d’y renoncer volontairement par peur de froisser des États alliés. La Suisse se doit donc de promouvoir au sein de son mandat une politique humanitaire ambitieuse, fidèle aux principes et aux valeurs qu’elle est supposée défendre, sans se soumettre aucunement aux puissances alliées, comme elle est en train de le faire dans le cadre du TIAN.