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En 2019, les conflits armés ont tué 75’600 personnes à travers le monde, dans le cadre de 152 situations de guerre enregistrées cette année-là. Les armes utilisées sont fabriquées par des entreprises d’armement du monde entier. Elles sont vendues aux parties impliquées, ou parviennent clandestinement dans les zones de conflit. Le volume des ventes internationales de matériel de guerre a augmenté de 7,8% entre 2009/13 et 2014/18, atteignant son plus haut niveau depuis la fin de la guerre froide. Il est difficile de quantifier la valeur totale du commerce international des armes. La transparence n’est garantie ni pour les ventes, ni pour les achats. Toutefois certains producteurs de matériel de guerre publient quelques chiffres. L’institut de recherche suédois SIPRI estime le chiffre d’affaires du commerce international des armes à 95 milliards de dollars en 2017. Mais le volume réel est probablement encore beaucoup plus élevé.
Le rôle de la Suisse
Pour produire du matériel de guerre et fournir des armes aux parties en conflit, l’industrie de l’armement doit pouvoir se financer. Or la Suisse joue un rôle central dans ce domaine. Les fabricants d’armes doivent lever des fonds de tiers, qu’ils obtiennent sur les marchés financiers sous forme de capital-actions, d’obligations ou de capitaux d’emprunt à court terme. La Suisse compte parmi les principales places financières du monde, gérant des actifs de plus de 6943,5 milliards de francs. Une somme qui correspond à 25% des patrimoines internationaux du
monde. Environ la moitié de ces actifs proviennent de l’étranger. L’autre moitié est de l’argent appartenant à la population suisse. L’argent injecté dans l’industrie des armes par nos banques, nos fonds de pension et nos compagnies d’assurance fait de nous les complices des entreprises qui profitent des guerres, souvent à notre insu. C’est pourquoi il est urgent d’introduire un droit de codécision sur la manière dont notre argent est investi. En tant qu’État neutre et dépositaire des Conventions de Genève, la Suisse ne peut pas se permettre une politique de maximisation des profits au détriment de vies humaines.
L’ampleur du commerce de guerre suisse
Comme dans le cas des investissements dans les énergies fossiles ou dans des entreprises recourant au travail d’enfants, la transparence n’est pas de mise en ce qui concerne les investissements dans les entreprises productrices de matériel de guerre. Les informations et chiffres à ce sujet nous proviennent donc de recherches d’ONG ou d’associations. Par exemple, le rapport «Don’t Bank on the Bomb» produit par PAX et ICAN se penche sur les investissements dans les producteurs d’armes nucléaires. Selon le dernier rapport paru, les institutions financières suisses telles que la Banque nationale suisse, UBS et Crédit Suisse investissent 8,9 milliards de dollars dans des entreprises productrices d’armes nucléaires.
Jusqu’en 2020, nous ne disposions néanmoins pas de chiffres précis sur les investissements dans les entreprises productrice de tous types de matériel de guerre. C’est pourquoi, dans le cadre de la campagne en faveur de l’initiative contre le commerce de guerre (cf. ci-dessous), nous avons mandaté l’institut de recherche néerlandais « Profundo » de quantifier les investissements des institutions financières suisses dans les producteurs de matériel de guerre et d’analyser en particulier ceux d’UBS, Crédit Suisse et de la BNS. Voici les principaux résultats :
- En tout, ce ne sont pas moins de 15,3 milliards de dollars US qui sont investis par les institutions financières suisses dans des entreprises productrices de matériel de guerre, dont 10,8 milliards sous forme de financement indirect et 4,5 milliards sous forme de financement direct.
- Crédit Suisse et UBS investissent de manière directe dans entreprises productrices d’armes nucléaires. Entre janvier 2018 et septembre 2020, Crédit Suisse a financé de telles entreprises à hauteur de 2,5 milliards de dollars US et UBS à hauteur de 628 millions de dollars US.
- La banque nationale suisse investit près de 2 milliards de dollars US dans des producteurs de matériel de guerre, dont 1,5 milliards dans des producteurs d’armes nucléaires.
L’initiative contre le commerce de guerre
Pour empêcher que l’argent suisse – et notamment l’argent de nos retraites – serve à financer l’industrie de l’armement, nous avons lancé l’initiative contre le commerce de guerre aux côtés des Jeunes Vert-e-s. La votation sur cette initiative a eu lieu le 29 novembre 2020. Les 42,5% de OUI obtenus par l’initiative constituent très bon résultat pour le GSsA et les Jeunes Vert-e-s.
Cette part importante de OUI constitue un signal clair : la Suisse ne peut pas maintenir le statu quo en matière de financement des producteurs de matériel de guerre. En particulier l’interdiction du financement d’armes prohibées au niveau international, c’est-à-dire d’armes nucléaires, biologiques et chimiques, était incontestée dans le cadre de la campagne de votation. Nous devons donc maintenir la pression afin que l’interdiction de financement direct d’armes prohibées soit étendu aux entreprises productrices d’armes prohibées, afin que cette interdiction soit enfin efficace. Et bien sûr, la lutte pour l’interdiction totales du financement des entreprises productrice de matériel de guerre continue !