GSsA-II : Assemblée générale du GSsA du 24 novembre 1996

“Une Suisse sans armée” n°32, hiver 1996, pp. 4-5

Cette assemblée a marqué un point important pour le GSsA. En effet, près d’une centaine de personnes ont débattu, longuement des deux initiatives (la 1ère -ou No 1- intitulée «Une Suisse sans armée», la 2ème -ou No 2- «La solidarité crée la sécurité – initiative pour un service pour la paix»).

La présidente de séance, R. Schoch, insistait sur l’importance de ces initiatives et de la décision définitive que le GSsA devra prendre en mars 1997 pour la date de leur lancement. L’initiative No 1 est évidemment plus avancée que la No 2, mais l’assemblée a décidé d’en fixer les orientations essentielles. L’AG, de ce 24 novembre, avait pour mandat de décider du contenu et de la poursuite de la volonté de lancement de ces initiatives. Il faut, de toute façon, se donner les moyens pour que l’initiative No 2 soit aussi concrète que la No 1. Elle a, ensuite, salué des représentants d’organisations pacifistes de France, d’Espagne, du Japon, de Croatie, d’Angleterre, d’Allemagne et d’Italie, qui étaient à Berne la veille déjà. Ces derniers, ont exprimé leur solidarité avec notre mouvement et apporté quelques informations sur leurs activités. L’intervention de Vesna Terselic, coordinatrice de la “Campagne anti-guerre de Croatie” (ARK) résume bien leur position: “Nous sommes encore très loin de pouvoir proposer l’abolition de l’armée chez nous, mais nous sommes très contents qu’il existe, quelque part dans le monde, un mouvement comme le GSsA qui peut le faire.”

Initiative No 1: Pour une Suisse sans armée: «La sécurité au lieu de défense»

Nico Lutz fait un bilan des activités depuis la dernière AG du GSsA du mois de mars: les discussions au séminaire au Bémont, les débats publics à Berne, Fribourg et Bâle. L’armée a évolué (sic!) depuis 1989. Le vote de l’initiative «Pour une Suisse sans armée», en 1989 a, en effet, entraîné une réforme, appelée Armée 95. Le DMF la présente comme devant répondre aux exigences des quelques 35,6 % des votants ayant accepté l’initiative du GSsA! Il n’en est rien…on le verra plus loin. Puis vint la votation sur l’achat des
F/A 18 qui devait avoir quelques effets sur l’emploi. Là, les arguments à l’emploi n’ont pas tenu la route: il ne s’en est pas créés. En effet, aujourd’hui, on comptabilise près de 200’000 chômeurs, les salaires sont revus à la baisse, les entreprises ne proposent aucune initiative de relance; c’est la stagnation, voire le recul certain. L’endettement public (cantons et communes) ne cesse d’augmenter. Au niveau fédéral, pas grand’ chose non plus, sinon le fameux bonus à l’investissement!

Paolo Gilardi présente ensuite la genèse de l’initiative No 1, que nous avons sous les yeux et qui est le résultat des discussions de ces derniers mois. Par rapport au 1er texte, il y a 3 changements :

  • l’introduction dans l’art. 18 des éléments de politique de paix;
  • à l’al. 3 de l’art. 17, les tâches civiles de l’armée (aide en cas de catastrophes,…) qui doivent être reprises par les autorités civiles;
  • la suppression du point 4 qui prévoyait la possibilité de créer une unité de 800 hommes (et femmes) en armes pour participer à des opérations de maintien de la paix au niveau international. Ce point a été remplacé par une disposition transitoire (art. 23 al. 3).

Il ne s’agit pas de refaire 1989, mais tout de même de faire quelque chose d’unique. Aujourd’hui, il s’agit de briser les mythes, la vache n’est plus sacrée. Les nouvelles tâches de l’armée s’inscrivent dans la logique d’intégration européenne à l’OTAN et les récents exercices effectués contre des mouvements sociaux d’opposition et des nouveaux ennemis extérieurs (padaniens, serbes) ne sont pas des incidents isolés, il font partie de cette logique d’intégration à une armée eurocompatible.

D’autre part, la part du budget militaire représente encore 14 % du budget de la Confédération, soit le double de celui de la Finlande et 4 fois plus que celui de l’Autriche. Cette situation n’a pas changé depuis 1989. En effet, l’intégration à l’OTAN nécessite (même s’il y a moins d’hommes sous les drapeaux) des équipements très performants et efficaces (capacité d’intervenir très rapidement à l’intérieur comme à l’extérieur). La perspective d’une guerre en Europe c’était, en 1989, l’apocalypse: aujourd’hui les guerres sont encore là et, il y en a même en Europe. Ce sont des guerres classiques, nous dit-on, mais ce n’est pas le cas puisqu’elles mettent en jeu des populations: les hiérarchies dominantes trouvent là le prétexte pour militariser les sociétés. Nos colonels disent que pour avoir la paix, il faut développer l’armée. Nous nous trouvons dans un débat ouverture/fermeture et plus seule-ment être pour ou contre l’armée.

L’abolition: nécessité d’un débat

La meilleure réponse que nous pouvons apporter est la réussite de la récolte de signatures et de ne pas se laisser marginaliser. Si nous n’intervenons pas dans ce débat sur le rôle futur de l’armée Suisse, il continuera de se faire sans nous dans les termes qu’il a déjà entamé actuellement, c’est à dire entre les traditionnalistes (tenants de la neutralité, de la défense nationale “forte et crédible”et de l’armée de milice) et les “innovateurs” (pour “l’ouverture”, l’intégration à la défense européenne via l’OTAN et la professionnalisat-ion de l’armée). C’est aussi avec cet argument qu’une grande majorité des participant-e-s à l’AG a approuvé une nouvelle fois le principe du lancement des deux initiatives (75 oui contre 4 non) rejetant ainsi la position de ceux qui sont intervenus (A. Schmid, M. Bühler et A.Gross qui a voté, mais sans prendre la parole) pour s’opposer à tout lancement de nouvelles initiatives.

La volonté de déclencher un véritable débat de société sur la nécessité de l’armée est aussi la raison des dispositions transitoires. Tenir ce défi : poser le problème de l’abolition et être ouverts au débat de fond et ne pas se laisser enfermer dans “Et Goma? Et Sarajevo?”, mais discuter des choix politiques qui mènent à ces drames. C’est sur ce point que le débat a été le plus intense: pour certains (Régis de Battista, Peter Schrembs), le GSsA devrait s’en tenir fermement aux principes de la non-violence absolue, pour d’autres (Marco Tackenberg, Tobia Schnebli) il s’agit d’assumer, en tant que mouvement pacifiste, que dans certaines situations la violence peut être légitime, comme dans le cas des indios qui se révoltent au Chiapas ou de la population massacrée de Srebrenica. Jo Lang a rappelé qu’en Allemagne cette contradiction a provoqué un débat sur les principes absolus qui a cassé en deux le mouvement des Verts, les héritiers du grand mouvement pacifiste des années quatre-vingt. “Le pacifisme est fini” avait déclaré Joshka Fischer, leader des Verts allemands, devant les horreurs de Srebrenica en août 1995.

Pour ceux et celles qui ont soutenu le maintien du troisième point des dispositions transitoires (Art. 23 al. 3), il s’agit d’assumer ce débat mais en même temps de le situer à la place qui lui est propre, c’est à dire dans une discussion sur qui et comment, au niveau international, doit faire respecter les droits humains partout où ils sont menacés. Cela permettrait d’argumenter avec d’autant plus de clarté et avec beaucoup plus d’interlocuteurs dans la société suisse pour l’abolition de la défense nationale armée et pour son remplacement avec une politique de paix civile et active, d’après les principes contenus dans l’art. 18. Le vote final sur ce point (en sachant que d’ici mars 1997, il sera soumis un texte définitif à l’AG) a été accepté par 54 oui, 4 non et 8 absentions.

L’initiative No 2 : « La solidarité crée la sécurité – initiative pour un service pour la paix »

Le texte qui est soumis à l’AG comporte deux options mais, vu les nombreuses interventions et ayant pris assez de retard sur l’horaire, l’Assemblée invite les groupes à faire des propositions sur la base de l’une ou autre option qui seront discutées lors de la prochaine assemblée générale agendée pour le 23 mars 1997. Il est important que cette initiative puisse également bénéficier d’une discussion et d’une participation aussi importantes que la 1ère. Il s’agit, en effet, d’offrir une véritable alternative au service civil actuel, qui est de loin pas très satisfaisant. Il faut également insister sur les choix à offrir, l’ouverture à tous (cf. option 2).

D’autre part, les Jeunesses Socialistes, par l’un de ses membres, informe qu’elles ont, le 21 septembre, officiellement discuté de l’initiative No 2, sans prendre de décisions définitives.

Claire Chalut et Tobia Schnebli

Le cri du coeur d’un «ancien» participant à l’AG

L’espoir, écrivait A. Malraux, est de donner à l’homme une vie digne d’être vécue… L’espoir qu’a fait naître, il y a 7 ans, l’initiative «Pour une Suisse sans armée» répondait à cet objectif. Réuni en assemblée générale, à Berne, le GSsA a confirmé cet espoir, en préparant une nouvelle initiative pour la paix, une paix sans armée. Une paix qui donne à l’homme de vivre une vie digne d’être vécue.

M. C.

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