Guerre à Gaza et complicité systémique avec Israël

Alors que les bombardements de camps de réfugiés, d’hôpitaux et d’écoles se poursuivent, plus de 40’000 personnes ont été tuées et près de 100’000 blessés à Gaza, en grande majorité des civils. 

  Le 5 déc. 2023 déjà, la présidente du CICR Mirjana Spoljanic déclarait à la TSR : «Les choses que j’ai vues dépassent tout ce que l’on peut décrire. Nous devons assurer la protection de la population civile de Gaza. Nous ne pouvons pas détourner le regard de ce qui est clairement un échec moral de la communauté internationale ». L’échec moral est également celui de la politique et d’une grande partie de l’opinion publique suisses. Comment expliquer que cette guerre contre les civils ai été possible avec le soutien de beaucoup d’Etats occidentaux, y compris la Suisse ?
Quatre jours après les attaques du 7 octobre, qui comportaient aussi de graves crimes de guerre, le Conseil fédéral a proposé d’interdire le Hamas en tant qu’organisation terroriste. Interrogé le lendemain par Le Temps sur le rôle de médiation de la Suisse pour arrêter la guerre à Gaza, le conseiller fédéral Cassis a répondu : «L’heure n’est pas aux bons offices. Nous sommes en guerre».

De la neutralité à la collaboration militaire
Au début des années 50, la Suisse était le troisième exportateur vers Israël et entretenait d’importantes relations économiques avec les pays arabes voisins, formellement encore en guerre avec Israël. En 1955, la Suisse décidait d’interdire les exportations de matériel de guerre tant vers Israël que vers ses voisins. Cette interdiction reste en vigueur, bien qu’elle ait été vidée de son sens par la collaboration militaire avec Israël depuis les années 1970. La guerre de 1967 a suscité en Suisse une identification euphorique avec Israël. Le petit pays se défendant contre les puissances hostiles qui l’entourent grâce à son armée renouait avec la mythologie officielle de la Suisse qui a su se défendre contre Hitler lors de la Seconde Guerre mondiale et qui était toujours prête à le faire contre la menace communiste durant la Guerre froide.
L’admiration pour la victoire israélienne de 1967 ouvre la voie à la collaboration militaire avec Israël. Les Mirages suisses étaient presque les mêmes que ceux avec lesquels Israël avait remporté la bataille contre les Mig égyptiens et syriens. Dans les années 1970 et 1980, l’armée suisse a développé des programmes d’échange de pilotes et de renseignements militaires avec Israël et l’Afrique du Sud. Alors que les échanges avec l’Afrique du Sud sont documentés par des enquêtes officielles après la fin du régime d’apartheid, ceux avec Israël restent largement secrets.

Dans les années 1990, la collaboration militaire s’étend à l’achat et la fabrication conjointe d’armes en Suisse et en Israël : bombes à fragmentation, munitions pour chars, premiers drônes, systèmes de reconnaissance électronique et systèmes intégrés de conduite de tir.Collusion systémique avec Israël
Durant les deux dernières décennies, la collaboration avec le complexe militaro-industriel israélien s’est intensifiée, notamment avec l’achat en 2015 pour plus de 300 mio CHF des drones à’Elbit Systems, le plus grand fabricant israélien d’armes et de systèmes de surveillance. En 2020, la Suisse a acheté à Elbit des systèmes de communication pour l’armée d’une valeur estimée à 1,7 mia CHF. Jusqu’en 2035. 99 entreprises suisses bénéficient de contrats de compensation liées à ces achats. L’action de protestation menée le 7 juin dans les locaux de Rami Swiss à Courtételle (JU) par des militant.e.s de la solidarité avec le peuple palestinien a mis en lumière les liens directs de cette entreprise avec la filiale suisse d’Elbit. En 2014 déjà, Elbit finançait un laboratoire de recherche à l’EPFL et finance aujourd’hui un projet de recherche à l’Université de Saint-Gall. Dans le contexte global de hausse des achats d’armements, la place financière suisse profite des investissements dans l’industrie des armes, y compris celles utilisées pour massacrer la population civile de Gaza. La BNS est le 16ème investisseur institutionnel dans Elbit Systems, CS et UBS sont dans le top 50.