Investir dans les armes nucléaires ne rendra pas le monde plus sûr

La sécurité mondiale diminue, l’armement nucléaire aggrave encore cette tendance.

Selon les données de l’Annuaire 2023 du SIPRI, la Russie et les États-Unis possèdent à eux deux près de 90% de toutes les armes nucléaires du monde. Ces deux pays mènent en outre de vastes et très coûteux programmes de renouvellement et de modernisation de leurs arsenaux nucléaires, ainsi que des installations de production de ces armes. Ce phénomène s’observe également en Chine. En ce qui concerne les arsenaux nucléaires des autres pays (bien qu’ils soient beaucoup plus petits), une tendance claire se dessine : presque tous développent ou construisent de nouveaux systèmes d’armes nucléaires ou ont annoncé leur intention de le faire.

La plupart des États dotés de l’arme nucléaire ont donc durci leur rhétorique sur l’importance des armes nucléaires, et certains ont même menacé implicitement ou explicitement de potentiellement les utiliser. Cette nouvelle concurrence nucléaire augmente dramatiquement le risque que de telles armes soient effectivement utilisées. En cette période de fortes tensions géopolitiques, le risque d’erreurs de calcul, de malentendus ou d’accidents est inacceptable, tandis que l’engagement de désarmement pris dans le cadre du traité de non-prolifération nucléaire semble s’éloigner de plus en plus. Depuis l’attaque russe contre l’Ukraine il y a deux ans, la maîtrise des armements nucléaires et la diplomatie du désarmement ont subi un sérieux revers, tout comme la transparence en matière d’armes nucléaires. En outre, les fréquentes menaces nucléaires de la Russie ont entraîné un sentiment d’insécurité persistant en Europe et ont remis en lumière la vulnérabilité aux armes nucléaires. Cela a déclenché une nouvelle vague de militarisation et a accru la volonté d’investir davantage dans la dissuasion nucléaire.

Il est clair que la menace perçue par tous doit être abordée. Mais il est illusoire et extrêmement dangereux de miser sur des solutions militaires. Il faudrait plutôt, par exemple, que l’OTAN mette en œuvre une politique de non-utilisation, que l’Europe mette fin à sa participation nucléaire et qu’elle signe et ratifie le traité sur l’interdiction des armes nucléaires. Cela favoriserait concrètement la sécurité régionale et contribuerait à contrecarrer la dangereuse tendance mondiale à considérer les armes nucléaires comme la panacée à des situations de sécurité complexes.