Le Conseil des États soutient la réforme

Alors que le Conseil des États fait bon accueil à la proposition de détérioration des conditions d’accès au service civil, le DDPS a retrouvé les chiffres des effectifs complets de l’armée, supposément menacés. Point de situation sur une réforme qui prend la forme d’une remise à l’ordre. Par Nicolas Félix

Le 11 septembre dernier, le Conseil des États plébiscitait par 26 voix contre 11 et deux abstentions le projet du Conseil fédéral visant à détériorer les conditions d’admission au service civil. Objectif affiché, préserver les effectifs de l’armée en enrayant le nombre d’admissions au service civil dont la progression lors de la dernière décennie effraie. Sans prendre le recul nécessaire à l’analyse de l’affaissement de la courbe de ces admissions entre 2017 et 2018, et en l’absence de rapports laissant présager des effets « positifs » des mesures proposées sur les effectifs de l’armée, les député-e-s agissent dans la précipitation et au doigt mouillé. Hasard du calendrier, le DDPS annonçait sept jours plus tard, après deux ans d’interruption, la reprise du décompte complet des effectifs de l’armée.

Une mise au pas
Selon cette récente publication, les effectifs réels de l’armée s’élèvent très précisément à 140’304 soldat-e-s pour un effectif réglementaire fixé à 100’000 conscrit-e-s lors de la dernière réforme de l’armée. Dans ce contexte, l’urgence – continuellement invoquée lors des délibérations – à laquelle cède le Conseil des États interpelle, de même que son assentiment en premier ressort à des mesures profondément négatives, voire tout simplement punitives. Ainsi, selon les termes pas même voilés de nombre de député-e-s, il est ici davantage question de corriger les prétendues déviances du service civil que de promouvoir le service militaire. C’est à se demander si le soutien à cette réforme ne tient pas avant tout d’un ressentiment viscéral persistant à l’égard de celles et ceux pour qui se rendre utile ne se conjugue pas avec le port de l’uniforme gris-vert.

La société perdante
Toujours selon ces chiffres, les fameuses « pertes d’effectifs » de l’armée pour l’année 2018 sont constituées de trois groupes de proportion égale. Un premier tiers de conscrits opte dès le recrutement pour le service civil. Trois autres milliers d’appelés quittent la troupe pour des raisons de santé. Quant aux personnes composant le dernier tiers, elles deviennent civilistes après le recrutement. Or, c’est en ce dernier groupe que les soutiens à la réforme placent leurs espoirs de relève et instituent à l’encontre de ceux qui le composent, un durcissement des conditions d’accès au service civil afin de les dissuader de quitter les rangs. Aucune garantie cependant que le résultat de la manœuvre profite aux effectifs de l’armée. En effet, le risque n’est pas nul de voir ces soldats se résoudre à la voie bleue, privant au passage de leur service la société civile. C’est donc cette dernière qui pourra être annoncée grande perdante de la réforme si, en décembre, le National consent à son tour à la réforme. A moins de contrer ensemble ce projet, par un référendum !

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