« Une Suisse sans armée » n°32, hiver 1996, p. 20
En tant que représentant de l’Internationale des Résistants à la Guerre à la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU, j’ai eu l’occasion de participer à une rencontre d’Objecteurs de conscience des pays de l’Est à Budapest du 4 au 8 novembre. Je me suis informé de l’impact qu’avait pu avoir la résolution sur l’Objection de Conscience adoptée par consensus en 1987 par la Commission.
Depuis le vote de la résolution bien des changements sont intervenus dans la rédaction des constitutions nationales des Etats membres de la Commission des Droits de l’Homme en particulier dans les pays de l’Est… Nous pouvons nous réjouir de constater que le droit au refus du service militaire pour raison de conscience est reconnu dans la constitution ainsi que la possibilité d’accomplir un service civil. Dans quelques pays proche de l’Union Européenne cet article de la constitution a fait l’objet d’une loi d’application qui permet aux objecteurs de faire un service alternatif en Pologne, en Tchécoslovaquie, en Hongrie, d’une durée une fois et demie le service militaire. Dans d’autres pays plus au sud du continent européen, en Roumanie, Serbie, Grèce, la loi prévoit un service civil double du service militaire organisé par l’armée, ce qui est contraire à l’esprit de la résolution qui a été adoptée. Quant aux pays encore plus éloignés , en Biélorussie, Ukraine, Russie, il y a un article dans la constitution concernant le service civil mais pas de loi d’application. Les objecteurs sont donc condamnés et bénéficient d’un sursis jusqu’à ce que la loi d’application soit votée. Pour échapper à cette condamnation les jeunes se déplacent d’une république à l’autre, se mutilent ou paient un docteur très cher pour un certificat de complaisance. Ils veulent à tout prix éviter la prison qui est une situation pire que le service militaire lequel n’a déjà pas bonne réputation.
Il apparaît urgent qu’une loi d’application pour le service civil soit enfin votée par le Parlement de ces pays et qu’un travail en dehors de l’armée soit confié à ces jeunes. Etant donné les risques inhérents à la vie collective il est hautement souhaitable que ces jeunes puissent accomplir un service civil proche de leur famille afin qu’ils rentrent chaque soir chez eux pour se refaire et dormir en paix. Les cas de violation des droits de l’homme pour ne pas dire de viol tout court sont trop fréquents dans les baraquements de l’armée. Les jeunes Russes, Ukrainiens, Biélorusses appréhendent un service civil qui ne serait qu’une reproduction de l’armée.
Quant au sort réservé aux objecteurs de conscience en Turquie chacun sait quelles conditions leur sont faites en prison pour qu’ils entament des grèves de la faim. Il y a urgence pour que les pays qui ont adopté par consensus la résolution sur l’objection de conscience votent maintenant des lois d’application afin que cessent les menaces et les contraintes exercées sur ceux qui refusent le service armé. Les objecteurs ne sont pas des traîtres à la patrie et des renégats de la religion mais des personnes qui mettent la morale et la fidélité à leur conscience au premier plan et méritent notre soutien.
Michel Monod