Plus jamais Hiroshima ! Plus jamais Nagasaki ! Plus jamais la guerre !

Contribution de Nihon Hidankyo, organisation lauréate du prix Nobel de la paix

Je m’appelle Tamiko Nishimoto, je suis une Hibakusha (une survivante d’ Hiroshima ou de Nagasaki, ndlr) du Japon. Je vous suis très reconnaissante de me donner l’occasion de partager mes expériences avec la bombe atomique.

Le 6 août 1945, peu avant la fin de la deuxième guerre mondiale, l’armée américaine a largué une bombe atomique nouvellement développée sur Hiroshima. Je me trouvais à 2,3 kilomètres du foyer de l’explosion. J’avais quatre ans à l’époque. D’un coup, j’ai été enveloppée d’un éclair, trop aveuglant pour qu’on y voie quelque chose. Puis je suis tombée dans de profonds ténèbres qui m’ont englobée.

J’étais chez moi avec ma mère. Une à une, les tuiles nous sont tombées dessus. Ma mère s’est accroupie sur moi, me protégeant pendant que je hurlais de peur et de douleur. La maison était sans dessus dessous, elle n’était plus qu’une pile de décombres, tout comme celles de nos voisins.

Ma sœur aînée, qui était en primaire, venait à peine de rentrer. Elle avait été blessée au cou et criait de douleur. Ma mère, ma sœur et moi avons pris la fuite et nous sommes réfugiées dans un vignoble en lisière de la ville. Le lieu était rempli d’autres victimes de brûlures et blessures graves.

En un instant, la ville d’Hiroshima s’est transformée en une mer de feu, les constructions ont été réduites en cendres par un rayon de chaleur de 3000 à 4000 degrés et une explosion d’une hauteur de 250 mètres. Les habitants de la ville se sont précipités vers les sept rivières, remplies de corps, pour échapper aux flammes. Certaines personnes ont été ensevelies et brûlées vives sous les bâtiments effondrés. Une seule bombe atomique a suffi à transformer la ville en enfer. Cette année-là, 140’000 personnes ont perdu la vie à Hiroshima et 70’000 à Nagasaki.

Nous avons passé trois jours dans ce vignoble. Nous n’avions rien à manger et nous nous sommes rabattues sur des raisins encore verts pour combler notre faim. J’avais de la fièvre et des diarrhées et j’étais pris de vomissements. Plus tard, j’ai appris qu’il s’agissait là de symptômes du syndrome d’irradiation aiguë. 

Ma famille a survécu de justesse. Mon frère aîné est mort jeune, à 46 ans. Mon père et mon autre sœur ne se trouvaient pas à Hiroshima ce jour-là[1]  et ne sont rentrés que plus tard, ne se retrouvant ainsi pas exposés directement à la bombe. Mon père, qui avait pourtant une constitution solide, est tombé malade à 58 ans et a dû rester alité les dix dernières années de sa vie. Ma sœur, elle,  a souffert d’une maladie de la thyroïde et a dû prendre des médicaments jusqu’à sa mort.

Depuis l’explosion de la bombe atomique, 79 ans ont passé. Mais la bombe hante toujours les Hibakusha. Un grand nombre d’entre elles et eux souffrent de maladies telles que la leucémie, le cancer, de maladies de la thyroïde ou de dysfonctionnements rénaux. Pour ma part, j’ai pu me marier et avoir des enfants. Je vis toutefois constamment dans la peur pour ma santé et la leur. La bombe atomique est l’arme du diable et elle ne peut coexister dans le même monde que les humains.

Partout dans le monde, nous avons demandé qu’il n’y ait plus jamais de Hibakusha et de bombes nucléaires. Nous avons lancé des actions populaires pour atteindre ce but, notamment la campagne Hibakusha International Signature. Nous sommes très honoré·es que notre organisation ait obtenu le prix Nobel de la paix. Tant que je serai en vie, je raconterai mon histoire et mon expérience avec la bombe nucléaire dans le monde entier. Nous vous invitons chaleureusement à travailler avec nous pour atteindre le but d’un monde en paix, sans armes nucléaires. 

Plus jamais Hiroshima ! Plus jamais Nagasaki ! Plus jamais la guerre !

Les expériences de Tamiko Nishimoto, survivante d’Hirohsima, membre de Nihon Hidankyo, ancienne présidente de la Ishikawa Hibakusha’s Association