Protection du climat ou réarmement

Demain, le grand exercice “Pilum 22” prendra fin. Alors qu’en Suisse, les économies d’énergie marquent l’opinion publique, l’armée se prépare à faire face à l’une des menaces les plus improbables pour la sécurité. En même temps, elle participe ainsi au plus grand problème de sécurité de l’humanité, à savoir la crise climatique. Dans le contexte actuel, cette grande manœuvre n’a rien à envier à l’absurdité.

La grande manœuvre “Pilum 22”, déjà décidée en 2019, a lieu dans deux contextes qui en illustrent l’absurdité.

Le premier contexte est la guerre en Ukraine. Celle-ci montre une armée russe d’une brutalité inouïe, mais aussi incroyablement faible. “Le risque que les Russes défilent un jour sur le lac de Constance ou sur le Rhin est plus improbable que jamais”. Cette déclaration de Mauro Mantovani, professeur d’études stratégiques à l’Académie militaire, faite dès le 6 mars 2022 dans la NZZ am Sonntag, s’est depuis lors totalement confirmée. La guerre en Ukraine ne fournit aucun argument factuel et militaire pour une augmentation des dépenses militaires et des manœuvres comme “Pilum 22”. “Que la guerre en Ukraine soit maintenant utilisée comme légitimation pour cet exercice absurde et glorifiant d’utilisation d’armes de guerre est tout à fait cynique. D’autant plus que la Suisse compte aujourd’hui plus de 70’000 réfugié-es, parfois gravement traumatisé-es, en provenance de cette même région en guerre”, déclare Pauline Schneider, secrétaire du GSsA.

Le deuxième contexte est le réchauffement climatique, qui représente de loin le plus grand problème de sécurité, surtout pour un pays alpin. Les forces armées sont à l’origine d’environ 5% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. C’est plus du double de l’aviation civile. De plus, les pays les plus riches, dont la Suisse, dépensent pour leurs armées trente fois plus que ce qu’ils versent en aide climatique aux pays du Sud global les plus touchés par les conséquences du changement climatique. Les émissions de CO2 du DDPS, qui s’élèvent à environ 200’000 tonnes, sont cinq fois plus élevées que celles de l’ensemble des autres secteurs de l’administration fédérale. “Le F-35, particulièrement polluant, ne fait qu’empirer les choses. Compte tenu du slogan national “L’énergie est limitée. Ne la gaspillons pas“, un exercice comme Pilum 22 est une pure moquerie à l’égard de toutes les personnes qui essaient de réduire leur consommation d’énergie au quotidien”, ajoute Pauline Schneider.

La manœuvre se déroule dans une situation où le Parlement et le Conseil fédéral ont voulu empêcher une votation sur l’initiative contre l’achat de l’avion de combat F-35, augmenter massivement les dépenses d’armement, affaiblir massivement le service civil, militariser les femmes et intégrer partiellement la Suisse dans l’OTAN. Dans le même temps, le Conseil fédéral refuse de signer le traité de non-prolifération nucléaire, que la Suisse avait pourtant approuvé en 2017. “Dans notre opposition à cette frénésie militariste, nous allons attirer l’attention des citoyennes et des citoyens : Chaque franc supplémentaire pour l’armée est un franc qui augmente les émissions de gaz à effet de serre et qui, en même temps, manque au financement climatique. Penser la politique de sécurité uniquement en termes militaires nous coûtera très cher dans notre lutte contre la crise climatique”, conclut Pauline Schneider.