Le moral des soldats russes n’est pas au beau fixe : ils se rendent sans combattre ou abandonnent leur char au beau milieu de la route. L’une des explications possibles à cela est la pression économique directe ou indirecte, qui les pousse à aller au combat. Si les déserteurs et les objecteurs de conscience obtenaient le droit de déposer une demande d’asile dans une ambassade, ces jeunes hommes pourraient se sortir de cette situation.
Tandis que le moindre mouvement de Vladimir Poutine est analysé en profondeur, nous n’avons que peu d’informations sur les personnes qui combattent pour la Russie en Ukraine. Dès les premiers jours, le moral semblait bas au sein des troupes russes. Selon les médias, des unités entières se seraient rendues. Des vidéos TikTok montrent des convois abandonnés constituées de chars à la pointe de la technologie. Le moral des soldats russes ne semble donc pas être particulièrement haut.
Les troupes russes sont composées d’une part de personnes qui se sont engagées pour de nombreuses années et d’autre part de recrues qui ne servent « que » deux ans. Même si la propagande russe des derniers mois voudrait nous faire croire le contraire, l’armée n’est pas une institution très prestigieuse au sein de la société russe. Les recrues sont harcelées par leurs supérieurs et certaines sont même contraintes à la prostitution.
Manque de perspectives et violence
En Russie, tous les hommes sont conscrits. Ceux appartenant aux classes moyennes et supérieures des milieux urbains peuvent facilement se libérer du service militaire. En même temps, les hommes sans perspectives voient l’armée comme l’un des seuls endroits qui leur permette d’accéder à un bien-être matériel minimal. Au cours des deux dernières années déjà, de nombreux conscrits ont été contraints de signer un contrat de deux ans, car le droit russe n’autorise pas les conscrits à être déployés en dehors des frontières du pays. Une grande partie de ces conscrits de force sont de fait des jeunes nés en 2002 ou 2003 qui viennent de terminer l’école obligatoire l’été dernier.
Par ailleurs, un grand nombre de soldats ne savaient pas qu’ils devraient combattre en Ukraine. Au début de l’invasion, certaines troupes pensaient qu’elles étaient encore en plein milieu de l’exercice qui avait eu lieu les semaines précédentes le long des frontières russe et biélorusse avec l’Ukraine. La situation précaire des soldats était déjà connue à l’époque. On apprit qu’au Bélarus, un marché noir pour de l’essence de l’armée russe s’était développé et l’on vit des images de chambres remplies de soldats russes épuisés.
Dans les régions de Lougansk et de Donetsk, et plus récemment dans les régions nouvellement occupées du sud de l’Ukraine, des hommes seraient contraints de servir. Dans une motion, des députés de la Douma demandent à présent que des opposants russes à la guerre soient recrutés de force et qu’ils soient envoyés au front. Cette façon de mener la guerre est particulièrement perfide, brutale et cruelle.
Toutefois, les soldats russes ne sont pas tous mal formés et en Ukraine contre leur gré. En effet, une partie importante de la population russe est derrière Poutine et sa guerre d’agression contre l’Ukraine. Cela vaut probablement aussi pour les soldats, en particulier pour ceux qui appartiennent à l’armée de l’air. Peu de temps après le début de la guerre, un pilote d’avion de combat russe avait été capturé. Celui-ci avait déjà servi en Syrie et apparaissait sur des photos aux côtés de Bachar El-Assad. De nombreux pilotes qui avaient bombardé Alep participent aujourd’hui à la destruction de villes ukrainiennes.
La Russie recrute également de nombreux mercenaires venus de Syrie ou de Tchétchénie. Pour les combattants syriens, la situation économique désastreuse semble être l’un des facteurs décisifs pour combattre en Ukraine, car il s’agit là du seul moyen de nourrir leur famille.
Des minorités combattent en Ukraine
Après le massacre de Boutcha, des images et des documents contenant des informations sur les coupables potentiels ont été révélés. À partir de ces documents, on peut conclure qu’en grande partie, ces soldats appartiennent à des minorités et qu’ils sont originaires de régions pauvres et rurales de la Russie. Certains civil.e.s rapportent également que les horreurs de Boutcha n’avaient pas été commises par des soldats réguliers, mais par des troupes d’élite du groupe Wagner, une troupe de mercenaires d’extrême droite. Grand nombre d’entre eux ont déjà combattu en Syrie ou ont été déployés en Afrique. Leurs motivations sont probablement bien différentes de celles des autres troupes russes.
Cependant, nous devrions résister à la tentation de voir les soldats russes comme faisant partie soit des simples conscrits « innocents », soit d’un groupe de meurtriers sanguinaires. Ce genre de rhétorique se rapproche fortement de celle de la Wehrmacht « innocente » et de la « méchante » SS. Une guerre révèle en effet que des personnes ordinaires peuvent commettre des actes de violence inhumains, même si leurs motifs sont contradictoires et flous.
C’est pour cette raison qu’il est plus important que jamais de permettre aux déserteurs et aux objecteurs de conscience de demander l’asile auprès d’une ambassade, chose que demande le GSsA. Cette mesure pourrait fortement participer à réduire la volonté de combattre des soldats russes. De plus, cela empêcherait toute une génération de jeunes hommes de devenir des meurtriers mis au ban par le monde entier.