Fermons vraiment l’autoroute

Début juin, huit avions de combat F/A-18 ont décollé et atterri sur un tronçon de l’autoroute A1 entre Avenches et Payern (VD). La dernière fois que l’armée avait organisé des exercices similaires, c’était en 1991 au Tessin. 

Selon l’armée, il s’agissait de tester la capacité des avions à opérer à partir de sites improvisés, toutes les ressources des forces aériennes étant actuellement concentrées sur trois aérodromes militaires à Payerne, Meiringen et Emmen. Les jets militaires ne volent que rarement en Suisse, à la fois par manque de place et en raison du bruit excessif qu’ils génèrent. Il n’est donc pas étonnant que, bien que l’armée ait toujours souligné qu’il ne s’agissait pas d’un événement public, l’exercice Alpha Uno ait été vendu comme un événement exceptionnel et historique et retransmis en direct pendant quatre heures à la radio et à la télévision suisses (SRF).

Le chef des Forces aériennes Peter Merz a déclaré à ce sujet que l’on voulait montrer à la population que l’armée était présente et qu’elle pouvait garantir la sécurité. Outre le fait que l’on ne voit pas très bien comment une fermeture totale de l’autoroute pendant 36 heures pour un exercice militaire avec des avions de combat bientôt hors d’usage pourrait créer de la sécurité, subsiste encore la question fondamentale : pourquoi ?

Pourquoi, en 2024, alors que les finances fédérales sont soumises à de fortes pressions, une telle scène est-elle mise à la disposition de l’armée dans le seul but de faire de la propagande et de faire avancer ses propres objectifs ? Selon l’armée et le Secrétariat d’Etat à la politique de sécurité, une menace militaire d’attaque directe par voie terrestre ou aérienne est actuellement peu probable. L’exercice Alpha Uno est donc totalement inutile, car il ne permet pas de faire face à des menaces réelles telles que les cyberattaques, les campagnes de désinformation et les actes terroristes.

L’armée peut se permettre de bloquer l’autoroute à sa guise, alors que les blocages d’autoroutes par des activistes* du climat font sensation, provoquent la colère et sont considérés comme des actes criminels.Où est la colère lorsque des catastrophes dues à la crise climatique, comme celle du Misox il y a plus d’un mois et demi (outre plusieurs morts), ont emporté une partie importante de l’autoroute A13 ?

Actuellement, la Suisse mène une politique de transport et de sécurité qui risque de compromettre les objectifs climatiques : l’extension des autoroutes et le réarmement ne sont pas compatibles avec les Accords de Paris.Ces deux projets ne font manifestement pas partie d’une analyse sereine des menaces concrètes. De plus, l’extension des autoroutes entraînera une augmentation du trafic, du bruit et de la pollution atmosphérique et lumineuse (les parallèles avec le F-35 ne sont pas à négliger).

 En novembre, nous voterons sur le référendum  contre un projet d’extension d’autoroutes dont les coûts budgétés s’élèvent à 5,3 milliards de CHF (sans les frais d’entretien). Heureusement, les F-35 ne coûteront pas plus que prévu et que les coûts supplémentaires ne seront pas supportés par la collectivité (fin du sarcasme).