Un seul défaut

Selon ses défenseurs et défenseuses, le F-35 ne souffrirait que de petits problèmes vite réglés. Mais la susceptibilité aux erreurs est inhérente à la conception de l’avion et ne fera que s’accentuer à l’avenir. ADI FELLER

Sur le papier, le F-35 est l’avion parfait. En tant qu’avion universel, il est censé remplacer plusieurs types d’avions avec des champs d’applications différents et provenant de toutes les branches des forces armées américaines. Chacune d’entre elles a tenté de faire valoir ses propres intérêts ; dans l’idéal, le jet devrait être capable de tout faire en même temps et être à la pointe de la technologie. Après tout, il existe trois versions du F-35, chacune avec un objectif de mission différent, mais elles partagent toutes les mêmes problèmes de conception de base.Au fil des compromis, l’avion idéal s’est rapproché de la réalité. Portée réduite, charge d’armement réduite, les attentes ont, elles aussi, dû être réduites de plus en plus pour que toutes les fonctionnalités requises puissent être combinées dans un seul et même appareil.

Fin juillet 2021, on pouvait lire dans la presse que 40 F-35 américains n’avaient pas pu décoller à cause de problèmes techniques. Certaines pièces des réacteurs s’usent trop vite car elles ne sont pas assez résistantes à la chaleur. Celles-ci doivent désormais être fabriquées dans un matériau plus résistant et remplacées dans chaque avion. Et il ne s’agit pas d’un cas isolé : selon le Government Accountability Office (GAO),une sorte de contrôle des finances américain, il existait 864 défauts non résolus dans les systèmes du F-35 en juillet 2021, et de nouveaux problèmes viennent constamment s’ajouter à cette liste. Dans le même rapport du GAO, on peut lire que le simulateur du F-35 fonctionne telle-ment mal qu’il est inutilisable jusqu’à ce qu’il soit révisé et ajusté. Cela repousse également indéfiniment le moment où l’avion sera prêt pour la production en série. Les problèmes semblent infinis, surtout au niveau des logiciels, que ce soit dans l’avion lui-même ou dans les systèmes informatiques qui l’accompagnent. Le système d’information logistique autonome(ALIS) de Lockheed Martin était, en théorie censé gérer et commander de façon autonome les pièces de rechange à l’échelle mondiale. Or,celui-ci fonctionne si mal et présente de telles lacunes en matière de sécurité que l’armée de l’air américaine fait entre-temps développer un système informatique indépendant appelé Odin,qui doit remplir les mêmes fonctions qu’ALIS. Mais Odin n’est pas encore prêt à l’emploi.Tous ces problèmes techniques ne sont pas sans conséquences : comme le rapportait déjà la revue spécialisée Aviation Week fin 2020,l’armée de l’air américaine envisage d’acquérir« seulement » 1050 F-35 A au lieu de plus de1750. Cela aura des conséquences imprévues sur le coût du nombre restant d’avions, qui ne deviendront certainement pas moins chers.L’armée de l’air américaine veut compléter sa flotte avec des versions modernisées (EX) moins chères des anciens F-15. Ce ne serait pas la première fois, dans un passé récent, que des projets d’acquisition d’avions partent en fumée, leF-22 ayant connu le même sort : seuls 187 des750 appareils ont été produits, et la production a été complètement stoppée en 2012.

QUELLE VERSION SOUHAITEZ-VOUS ?
Les F-35 actuellement en production sont des modèles de présérie qui sont encore en phase de développement. La production en série de l’avion de combat était prévue pour la fin de 2019, et a déjà dû être reportée plusieurs fois. Les avions construits et livrés jusqu’à présent sont les versions 2B, 3I et 3F. La pleine capacité opérationnelle ne sera atteinte qu’avec la version Block 4, dont la durée de développement vient d’être prolongée d’un an. Des mises à jour permanentes des logiciels et du matériel sont nécessaires pour maintenir l’appareil à jour et l’avion ne dispose pas de certaines fonctionna-lités de base. Le missile air-air standard de type Sidewinder utilisé depuis des décennies par les forces aériennes suisses n’est par exemple disponible que dans la version 3F. En outre, Lockheed Martin connaît constamment des retards de livraison, pas un seul avion n’ayant été livré à temps cette année. Savoir quand un client moins important que l’armée de l’air américaine recevra sa commande, et surtout quelle version il obtiendra est pour le moins incertain.

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